MAUVAIS GENRE de Chloé GRUCHAUDET chez Delcourt 160 pages
Paul et Louise s’aiment et se marient peu avant que le service militaire puis la guerre ne les séparent. Pour échapper à l’enfer des tranchées, le jeune marié se mutile, puis déserte. Aidé par sa dulcinée, il se réfugie dans la chambre étriquée d’un hôtel miteux. Hanté par ce qu’il a vécu, ne supportant plus l’enfermement, il n’a qu’un désir : sortir. Mais le peloton d'exécution l’attend s’il est repris. C’est alors que germe l’idée qui va le sauver. Troquant le pantalon pour la jupe, Paul devient Suzanne.
L’auteure entraîne le lecteur dans le sillage d’un couple qui fit l’objet d’un fait divers survenu dans le Paris des Années folles. Habilement, elle retrace le parcours atypique d’un déserteur devenu travesti par nécessité et qui s’est pris au jeu au point d’en faire son gagne-pain.
L’histoire est joliment portée par un trait délié, fin et expressif, tandis que le découpage s’affranchit des limites des cases pour livrer des vignettes aux contours flous, à l’instar des vieilles photographies de l’époque. La technique au lavis, que ne rehausse par moments qu’une touche significative d’écarlate, renforce le côté ancien, tout en s’accordant très bien au milieu décrit, celui des prolétaires parisiens et des faubourgs de la capitale.
Passionnant de bout en bout. Récompensée par plusieurs prix, « Mauvais genre » est de ces bandes dessinées qui résonnent le livre fermé. Chaudement recommandée par les cafards associés.